Après l'annonce de la mise en dépôt de bilan de l'écurie Prost
Grand Prix, certains "journaux sportifs" comme L'Équipe n'y sont pas allés avec le dos de la cuillère, ce qui n'a
sans doute pas servi les intérêts de l'écurie... D'autres titres
(L'Auto-Hebdo ou encore Daily-F1 sur Internet), plus optimistes, ou peut-être
plus chauvins, ont pris le parti de l'écurie du quadruple Champion du
Monde.
Par la suite, et ce quelques heures après l'annonce par le Tribunal
de Commerce de Versailles de la mise en liquidation judiciaire des
bleus, les déclarations ont fusé de toutes parts, en voici un
florilège :
• Eddie Jordan (manager de
l'écurie Jordan Grand Prix)
« Je me rappelle de lui
(Alain Prost) en avoir parlé avant que ses problèmes ne commencent. Je lui avais demandé s'il ne serait pas mieux pour lui de venir au
Royaume-Uni. (...) Cela aurait été plus raisonnable à bien des niveaux comme les principaux fournisseurs et les diverses personnes impliquées dans le monde des sports-mécaniques. La fabrication des pièces est également meilleure marché. Les gens sont plus entreprenants au sujet des affaires. En Allemagne ou en France, il y en a aussi probablement mais il y a, entre autres choses, des restrictions d'horaires et fiscales. Ce n'est pas le cas pour le monde du sport automobile en Angleterre et j'espère que cela n'arrivera jamais ».
• Roland Hodel (pdt du directoire du circuit de
Nevers-Magny-Cours, organisateur du GP de France)
« Alain Prost a commis une grave erreur en quittant Magny-Cours. Les écuries anglaises disposent d'une base logistique proche d'un circuit. (...) Je suis triste pour Alain Prost et pour les deux cents employés dont beaucoup sont originaires de la Nièvre, privés de terrain d'expression, d'un remarquable savoir-faire reconnu par la concurrence. (...) J'espère que les partenaires français du sport automobile ne cèderont pas au découragement. La réussite en France est possible, à condition que la démarche économique soit rigoureuse. La notoriété ne suffit
pas ».
• Jacques Laffite (ancien pilote)
« Je suis déçu, vraiment déçu, de ne plus voir de voitures bleues au départ des Grands Prix. Je pense surtout au deux cents gars de l'équipe dont beaucoup sont des amis de l'époque Ligier. Pour Alain, c'est un gros échec personnel dû à la conjoncture car je ne crois pas qu'il soit responsable à 100 % de ce qui arrive. Il est toujours difficile de faire de la course automobile en France, à cause des charges, des contraintes sociales. Et puis, pour mener une équipe, il faut beaucoup, beaucoup d'expérience. Et Alain n'en avait pas. Heureusement pour les amateurs français de F1, il reste
Renault ».
• Marie-George Buffet (Ministre de la jeunesse et des
sports)
« Je regrette vivement qu'aucune solution n'ait pu être trouvée au terme de la procédure ouverte pour maintenir l'écurie Prost. Je suis convaincue que celle-ci disposait avec Alain Prost et toute son équipe de la technologie et du savoir faire et qu'une autre issue était possible. Je comprends et je partage la déception de ces hommes et ces femmes qui ont engagé leurs compétences et dévouement pour relever ce challenge. Je continue à penser qu'il y a place et besoin en France d'une écurie de Formule
1 ».
• Henri Pescarolo (ancien pilote, et aujourd'hui manageur d'une écurie)
« Cet échec est avant tout celui d'Alain Prost, grand champion mais piètre manageur. Je suis profondément triste pour Alain qui a été un des plus grands pilotes, triste pour le personnel, un groupe fabuleux. Triste pour le gâchis qui va en résulter. Il ne faut pas faire l'association avec la faillite de Prost et le sport automobile français. C'est un échec personnel de Prost qui s'est montré un très mauvais manageur. Alain a eu un capital confiance infini et tous les grands industriels français se sont ralliés à lui. Il avait entre les mains quelque chose de fort et il a réussi la performance incroyable de dégoûter tout le monde. C'est un énorme gâchis, un échec personnel. On peut être patron quand on a été un grand sportif mais, de là à diriger trois cents personnes, c'est difficile. Frank Williams et Ron Dennis, deux patrons pour qui j'ai couru, ont franchi les échelons régulièrement, F3, F2, F1. Ils ont appris leur métier. Mais il faut des qualités que Prost, visiblement, n'avait pas. Je redoute maintenant que l'on fasse l'amalgame. Si le fait d'être français est aujourd'hui un handicap en raison de la chute du pouvoir d'achat, les contraintes sociales, l'échec de Prost est avant tout le sien. Il faut remettre les choses à leur
place ».
• René Arnoux (ancien pilote)
« Je m'y attendais, même si j'avais encore un petit espoir de voir les Bleus sur la grille le 3 mars à Melbourne. Quand on aime le sport automobile on ne peut être qu'attristé par ce qui se passe. Il y aura Renault bien sûr mais c'est un grand constructeur. La Formule 1 est devenu un tel business qu'il faut des moyens énormes dont seuls peuvent disposer les grands constructeurs. Il n'a plus d'échappatoire possible pour une petite équipe, c'est la fin des artisans. Avec Alain, çà n'a jamais été le grand
amour mais pour lui, cela doit être très dur. Et encore plus pour les deux cents personnes qui travaillaient dans l'entreprise. Ce n'est pas parce que l'on a été un bon pilote que l'on fait un bon
gestionnaire. Il y a une telle différence entre la vie que l'on a lorsque l'on est pilote, et celle de chef d'entreprise. Il faut le talent, la vocation, l'énergie, savoir s'entourer. N'est pas Jean Todt qui
veut ».
• Olivier Panis (pilote en
activité)
« Quand j'ai entendu Alliot critiquer Alain à la télé, l'autre
jour, j'étais vraiment écœuré. Qui est-il pour porter un jugement
sur un quadruple champion du monde qui a eu le courage de relever ce défi
? Je n'ai pas toujours été d'accord avec Alain mais je le respecte
pour ce qu'il est et pour ce qu'il continue de faire pour sauver les
200 gars qui travaillent avec lui ».
• Tico Martini (constructeur basé à Magny-Cours)
« Alain Prost aurait dû demeurer à Magny-Cours, pendant deux ou trois ans au moins car il y disposait d'une infrastructure fonctionnelle.
Le déménagement à Guyancourt, en cours de saison, a ajouté aux difficultés de construire une nouvelle voiture, de s'associer à un nouveau constructeur et de mettre en place un nouvel organigramme
technique. Pourquoi aller s'installer dans un palais qui a requis des investissements énormes ?
La F1 moderne est devenue très complexe et tout autant exigeante: les partenaires, avides de résultats immédiats pour de fortes retombées rapides, ne laissent pas le temps de l'apprentissage alors que la discipline est devenue techniquement très compliquée et coûteuse
». •
Jean-Pierre Jabouille (ancien pilote)
Cette liquidation est coup très dur pour qui aime la F1 (...) Il y avait une équipe française qui a essayé de se créer, c'était Alain Prost qui était quatre fois champion du monde et qui malheureusement n'a pas réussi à motiver les gens autour de lui ou trouver les gens autour de lui pour réussir dans cette discipline (...) La F1 est une discipline très très difficile, et s'imposer sur un plan mondial, ce n'est pas évident (...) Je suis absolument désolé pour le sport automobile français et puis pour Alain en particulier (...) Les gens ont tendance à le critiquer facilement mais tout seul, se lancer dans une chose comme ça, surtout en France, ce n'est pas si facile que ça. C'est plus facile de critiquer que de
réaliser quelque chose: lui au moins, il l'a tenté, il n'y est pas arrivé, c'est très dommage (...) Au départ, Prost ne s'était pas très bien entouré et il n'avait pas réagi assez vite (...) Dans ce domaine-là, toutes les équipes que j'ai pu voir apparaître ont mis toujours au moins 4-5 ans avant d'arriver à un niveau à peu près correct.
• Jean Alesi (pilote en activité)
« Alain ne peut s'en prendre qu'à lui même (...) tout le monde
était derrière lui, moi y compris lorsque j'ai quitté Sauber pour
le rejoindre. Mais il a tout ruiné ».
• Dominique Delestre (manager de l'équipe Prostar - Prost Junior Team en
F3000)
« Ne tirons pas sur l'ambulance: Alain Prost a eu le courage d'entreprendre et, dans les choix et la gestion de son équipe, il n'a pas été le seul à commettre des erreurs. Il est arrivé en F1 au plus mauvais moment, quand les constructeurs s'y sont engagés massivement. De plus, l'association avec Peugeot, plus porté sur le rallye que la F1 a peut-être été une erreur. (...) Le départ de Magny-Cours a été perturbateur mais n'y a-t-il pas été
contraint ? » |